Résumé |
" Dix mai, au puits d'Aguenni, à trente kilomètres de Tombouctou : dernière nuit de vrai désert, pas très solitaire d'ailleurs. Les bergers ont puisé, je crois, du soir au matin ; chœur des bœufs, des moutons et des bourricots, auquel ne manque qu'une seule voix, celle du petit veau qui est tombé hier dans le puits et qui s'est tué. Et puis c'est la grand-route du Nord, très fréquentée en cette saison de retour d'azalaï. Longs défilés silencieux de chameaux glissant dans la nuit, au clair de lune. Spectacle assez solennel, presque grandiose : ces rames incessantes lancées à la file indienne, monstre sans fin, articulé, mécanique, évoquent je ne sais quelle bête colossale, à la fois une et multiple, une sorte de titanesque scolopendre aux pattes innombrables, animée d'un rythme lent, mais décidé, implacable, irrésistible. " (Extrait.) Méharées reste le plus célèbre des livres de Théodore Monod, spécialiste incontesté du désert, qu'il a parcouru pendant plus de soixante-dix à dos de chameau ou à pied. Ce scientifique exemplaire n'a pas son pareil pour évoquer les paysages mauritaniens, pour raconter ses longues méharées dans les dunes, pour décrire la faune, la flore, l'histoire ou la préhistoire de ces régions où, dans les années 1930, il entendit parler d'une mystérieuse et gigantesque météorite qu'il ne cesserait de chercher, durant un demi-siècle, avec une insatiable curiosité. Géologue, naturaliste d'une longévité et d'une endurance peu communes, Théodore Monod parcourt depuis soixante ans sa terre de prédilection : le Sahara. Le jeune savant nous entraîne ici dans ses premières Méharées : au cours de ces longs raids à dos de chameau, il va couvrir jusqu'à six cents kilomètres à travers la Mauritanie ou le sud marocain. Mais bien plus que la performance, c'est la nature qui l'intéresse : falaises, sables et pierres ; scorpions, serpents ou coléoptères ; et cette végétation à la fois si rare et précieuse, dont il nous détaille avec amour formes et couleurs. L'énergie de Monod semble inépuisable, comme sa soif de savoir. Nourrie d'histoire, de littérature, de poésie (sa culture est considérable), son écriture a pris, comme par mimétisme, les caractéristiques du désert : sèche et minérale, tout en muscles et aspérités, elle sait nous restituer la magie de ces horizons éblouissants, où l'homme navigue comme sur une mer. -- Scarbo |