Résumé |
Près de deux siècles avant Baudelaire, le moine-peintre Shitao (1642-1707) invente au fil du pinceau une conception totalement " moderne " du geste de peindre ; et, entre deux tableaux, expose celle-ci avec des mots inspirés dans un traité fameux : les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère. François Cheng, qui a déjà révélé au public occidental la figure majeure d'un autre maître chinois (Chu Ta : Le génie du trait, Phébus 1986), nous convie ici à découvrir une centaine des peintures parmi les plus représentatives de la manière de Shitao, la plupart en provenance des musées de Chine - donc quasi inconnues en Occident. Il retrace pour nous l'itinéraire spirituel d'un artiste à la vie des plus mouvementées, qui sut trouver sur la fin, dans une haute solitude paradoxalement ouverte à tous les possibles, la résolution des contradictions qui l'habitaient. " Par sa virtuosité inquiète, jamais satisfaite d'elle-même, écrit François Cheng, Shitao a enrichi comme aucun autre l'art du trait : ses coups de pinceau sont célèbres par leur vivacité, leur audace, mais surtout leur stupéfiante variété. Son esprit d'invention, sa hardiesse toujours en alerte ont littéralement brisé le moule de la composition classique ; il n'a de cesse d'introduire dans ses tableaux, par tout un jeu de vides intermédiaires, d'agencements obliques, de contrastes inattendus, de déformations voulues, une sorte de " précarité dynamique ", de magie fragile qu'il n'est pas exagéré de qualifier de musicale ". " Révolutionnaire " dans l'âme et malgré cela profondément attaché à la plus antique tradition, Shitao a toujours rêvé de solliciter non seulement le regard mais tous les sens qui, chez l'homme, participent au banquet du Réel. Pour lui, c'est à ce prix seulement que nous avons la chance d'approcher le mystère des choses, de goûter " la saveur du monde ". Ainsi résume-t-il l'alchimie sensorielle qui, selon lui, gouverne toute représentation : " Je parle avec ma main, tu écoutes avec tes yeux ". Shitao est un artiste chinois qui vécut à la charnière des 17e et 18e siècles. Il disait : "Je parle avec ma main, tu écoutes avec tes yeux". Peintre virtuose et éclectique, il a poussé si loin l'exploration picturale que ses peintures sont signées de plus de trente surnoms. Théoricien, philosophe préoccupé d'universalité, il est aujourd'hui présenté comme un précurseur - deux siècles avant Baudelaire - de la "modernité dans le geste de peindre". L'auteur de cette monographie, François Cheng, a réunit dans ce livre près de cent peintures des plus significatives de l'artiste, la plupart inconnues en France, tout en retraçant le parcours de ce maître étonnant. Ce moine solitaire accomplit la tradition, il l'ouvre. Il est aussi proche de nous, aujourd'hui, que Cézanne ou Picasso. François Cheng, qui lui consacre ce livre admirable, a raison d'écrire : "La tradition authentique contient en elle-même toutes les modernités possibles" ... Puissance et délicatesse : un coup yang, un coup yin. Pour Shitao, le paysage exprime l'élan de l'univers, le ciel enlace l'espace. In 4 relié sous jaquette illustrée 156 p. Editions Phébus 1998. Illustrations dans le texte et pleine page |